La soirée électorale de France 2 le 25 mai
dernier a tenté d’interpréter la victoire du Front National en interrogeant les
différents invités politiques qui se sont succédé sur le plateau. La question
posée par David Pujadas à Emmanuelle Cosse en résume selon nous les enjeux :
« S’agit-il d’un vote de contestation ou d’adhésion? ».
Bien que banale concernant le FN, la question semble fondamentale car
si l’on compare les remarques de ces différents intervenants avec la déclaration
de Marine le Pen, on ne peut que constater un énorme décalage et sûrement, même,
une erreur.
Ils semblent ainsi tous réduire le vote FN à
une démarche contestataire, ce que traduit le champ lexical de la colère.
Jean-François Copé répète ce terme deux
fois, et fait un jeu de mot sur cette colère d’extrême droite en évoquant la « colère
extrême » des électeurs. José Bové évoque la « contestation »
exprimée par ce vote tandis que Manuel Valls a parlé de « crise de
confiance » et lui aussi de « colère ». Le plus affirmé dans
cette interprétation est Alain Jupé qui y voit un « vote de rejet »
et met en doute une éventuelle « adhésion massive » aux idées du
Front National concernant l’UE. Il prône même un calcul politique à travers un « accord
droite/centre » comme réponse à ce résultat…
Pour tous donc, la victoire du FN est une
expression contestataire, ni plus, ni moins.
Or, si l’on se fie à la déclaration de
Marine Le Pen, le sens du vote FN est plus complexe: « Les français
n’ont pas seulement lourdement sanctionné les partis du renoncement en les
renvoyant à leurs mensonges et à leur trahison. Les français ont aussi conféré
au FN la formidable responsabilité d’appliquer les choix qu’ils ont manifestés
par le vote de ce soir ».
Avec la tournure restrictive qui est niée (« ils
n’ont pas seulement »), Marine Le Pen considère que le vote FN ne doit pas
se réduire à un vote de contestation. Au contraire, l’adverbe « aussi »
souligne l’importance d’un vote d’adhésion, lequel vient s’ajouter à la
contestation.
Ainsi, pour trouver la réponse à la question
initiale, « contestation ou adhésion? », il faut substituer
le « et » au « ou » et accepter de considérer que le vote
FN n’est pas qu’un vote en creux, qui se construit par défaut ou rejet. C’est
aussi un vote plein, qui appelle un programme et une politique : « contestation
ET adhésion ».
Tant qu’on n’a pas admis cet aspect du vote
FN, il semble compliqué de le combattre efficacement car en réduisant les
résultats des européennes à la contestation, on ne s’attaque pas au problème, on
évacue le fond politique. C’est donc se méprendre sur la stratégie à mener contre
le parti de Marine Le Pen : pour la combattre, il faut évoquer des
divergences politiques.