lundi 21 avril 2014

Marine le Pen sur "Des paroles et des actes" le 10 avril 2014 (1)


Les journalistes de "Des paroles et des actes" ont interrogé Marine Le Pen sur les résultats des municipales et sur les européennes à venir. On s'intéresse ici à la première partie. Notre prochain article concernera les européennes.

Le biais pour éviter d’entrer dans l’idéologie.

Marine le Pen s’est efforcée, tout au long de l’interview sur les municipales, d’évacuer le discours idéologique.
Cet effort se traduit par des tournures emphatiques en « ce qui… c’est que », « ce que… c’est » qui soulignent qu’elle rejette le sujet proposé par les journalistes et le remplace par un autre, présenté comme plus pertinent.
Ce procédé est ainsi à l’œuvre quand on l’interroge sur la préférence nationale : « Ce que je sais c’est qu’il y a des moyens, dans les marchés publics, de pouvoir faire travailler les entreprises de proximité, … pour développer l’emploi local, éviter d’appeler des entreprises étrangères…».

La tournure emphatique évacue le sujet de la préférence nationale et le remplace par le commerce local. Aucun rapport…

Et quand David Pujadas l’interroge sur le rejet du mariage pour tous par le FN, elle utilise à nouveau cette tournure emphatique :
« Moi je vais vous dire ce qui me choque » ou encore « Ce que je trouve particulièrement choquant, je vais vous le dire », et enfin : « Je pense que ce serait là le respect de la République ».

C’est à nouveau le même procédé : elle refuse le sujet proposé, le mariage pour tous, et le remplace par un autre, qui tant qu’à faire n’a aucun rapport : l’acharnement présumé des journalistes contre le FN, qu’elle accuse de s’intéresser aux maires FN de la même manière qu’ils iraient « au zoo ». C’est la stratégie habituelle du FN de se présenter comme le martyr de la République. Cela lui évite aussi d’avoir à assumer des positions réactionnaires.

C’est pas moi, c’est l’autre.

Dans la même perspective, elle se défausse face aux positions des maires FN, qu’elle refuse d’assumer. On retrouve à nouveau les tournures emphatiques en « C’est … qui » lorsqu’on demande à Marine Le Pen de se positionner face à la préférence nationale assumée par le maire de Villers Cotterêts : « C’est sa conviction à lui… c’est lui qui est élu ». La tournure emphatique permet d’attirer l’attention sur un autre et de s’en distinguer.
Sur le même thème, lorsque les journalistes de DPDA se réfèrent au livret à destination des élus, elle utilise à nouveau cette tournure : « Ce n’est pas moi qui ai rédigé ce guide ». Le pronom « moi » est mis en exergue et est nié : Marine le Pen refuse d’assumer les propos de ses élus ou des écrits du FN.

En somme, il y a bien au Front National un discours public et un discours caché, ce que Marine le Pen avoue d’elle-même à propos du guide qui n’est pas censé être connu: « Ce guide est à destination des élus, pas à destination du public ».
Le discours de vérité est ainsi à chercher ailleurs que dans les propos de Marine Le Pen.

La vérité sur le terrain : des tautologies inquiétantes.

C’est bien davantage le discours de Franck Briffaut, maire de Villers-Cotterêts qui est beaucoup plus parlant.
Il est clair qu’il ne suit pas les prérogatives de Marine Le Pen lorsqu’il affirme que « Les lois du mariage doivent suivre les lois naturelles » et qu’il ne célèbrera pas de mariages homosexuels. Marine Le Pen, elle, dit l’inverse : « Non mais moi… je l’ai toujours dit. La loi de la République doit être appliquée même lorsqu’elle nous est désagréable ».
Un tel décalage révèle bien la stratégie du Front National : un discours de façade propre, tenu par celle qui revendique d’être un « chef » (on y reviendra), mais une réalité idéologique bien moins présentable et qui n’est décelable que dans la réalité concrète du FN, c'est-à-dire la politique des maires FN, qu’il faudra suivre de près.

Plus marquant encore dans la bouche des élus, les termes très marqués politiquement : « renforcer le côté répressif » et un de ses colistiers qui se dit « responsable de la propagande ». Ici, pas de parade, pas de biais ni de détours. Le discours est crû, on y lit bien de l’extrême droite.

Enfin, Franck Briffaut, a présenté sa stratégie à propos de la préférence Nationale à travers une tautologie : « là où ce ne sera pas interdit, ce sera autorisé ». Une tautologie, c’est le fait de répéter la même idée en des termes différents. En clair, Franck Briffaut nous dit qu’il cherchera la faille législative, la petite bête administrative pour appliquer la préférence nationale. Annonce de harcèlement administratif des immigrés ?
On retrouve la même tautologie chez Marine le Pen à propos des associations politisées qu’elle refuse de financer : « Si on veut faire de la politique alors on fait de la politique ». Dans cet énoncé, elle dit deux fois la même chose, avec les mêmes termes de surcroît. Elle annonce par un discours simpliste, évident, qui en appelle au bon sens populaire, qu’elle coupera les aides aux associations qui ne lui plaisent pas, la Ligue des Droits de l’Homme en l’occurrence. Discours simpliste pour mesures anti démocratiques donc…

Un discours légaliste et non pas idéologique.

Devant l’insistance louable des journalistes, Marine Le Pen a tout de même dû prendre position sur la régularisation des clandestins et sur les lieux de culte musulmans, sujets idéologiques s’il en est.
Marine Le Pen se réfugie alors derrière un discours légaliste mais brutal.

Tout d’abord, elle s’en réfère à la loi, terme qu’elle répète trois fois pour ancrer son propos dans le respect des législations, et se montrer ferme quant à leur application. Elle demande même au journaliste qui l’interroge : « Est-ce que vous savez ce que c’est que la loi ? ». Question évidente mais vaste qui ancre le discours dans un cadre légal et non idéologique : elle sort du champ raciste où on l’attend, et se positionne dans l’application stricte de la loi.
Elle cherche bien sûr aussi, à déstabiliser en inversant les rôles : elle interroge là où normalement c’est le journaliste qui pose les questions.

Mais si Marine le Pen se situe dans un champ légaliste, elle est pour une application brutale de la loi concernant les clandestins et les musulmans.
Cela se traduit par des phrases courtes : « C’est la loi », « Ils sont clandestins », « Vous avez 48h pour rentrer chez vous », « vous financez votre culte ».
La brièveté des phrases montre leur caractère sans appel. Marine le Pen veut montrer sa fermeté sur ces questions. On ne peut être que frappé par le mimétisme de la phrase et de son contenu : la phrase est aussi courte que le délai laissé pour quitter le territoire.
En outre, avec le pronom « vous », elle s’adresse directement aux clandestins et aux musulmans et montre qu’elle cherche la confrontation. Elle veut, quoi qu’il en soit, créer le clivage.

Il semble donc évident que, même si elle se réfugie dans un champ légaliste pour éviter l’idéologie à propos des clandestins et des musulmans, Marine le Pen est rattrapée par la brutalité de son expression.

vendredi 11 avril 2014

Marine Le Pen sur RTL, le 4 avril 2014 : Les maires FN tiendront leurs promesses… ou pas.


Interrogée par Jean-Michel Apathie sur RTL le 4 avril dernier, Marine Le Pen a commenté les résultats du FN aux municipales… sous le signe de l’hésitation. Bien sûr, elle a utilisé son ton toujours aussi affirmé et assuré, mais les mots ne coïncident pas avec l’attitude…

Pour évoquer les actions que vont mener ses maires, elle a ainsi systématiquement émis des doutes en employant ce qui se nomme des modalisateurs : « Je pense que » (3 fois), « Je crois que » (4 fois).
Un modalisateur (selon Benveniste notamment) c’est en gros un outil qui permet à celui qui parle d’émettre une distance, un doute par rapport à son propre énoncé. Or, à chaque fois que Marine Le Pen a évoqué l’action à venir des maires FN, elle l’a fait avec cette marque de doute, dont la plus marquante : « Je pense qu’ils vont faire preuve d’intelligence »… Mais visiblement, rien n’est moins sûr…

En revanche, lorsqu’elle commente l’écotaxe, sur laquelle elle n’a aucun pouvoir, eh bien là, elle est catégorique, et n’utilise plus de modalisateurs : « Il faut supprimer l’écotaxe » (2 fois). C’est donc quand elle ne peut pas agir, que Marine Le Pen est le plus affirmée.

Mais l’action des maires FN est aussi évoquée de façon abstraite, à travers les infinitifs « arrêter » (répété 4 fois), « répondre » et « comprendre » (2 fois). Or, comme l’indique Gustave Guillaume dans sa chronogénèse, l’infinitif correspond à l’action dans son sens abstrait, celle qui n’est pas réalisée, loin du concret.
Et puis, il est à noter que cette action, en plus d’être abstraite, est négative. En effet, que va faire le FN dans ses municipalités ? Il va « arrêter »… N’est-ce pas l’inverse de l’action ?

Jean-Michel Apathie a souligné aussi le fait que Marine Le Pen semble réduire le rôle du maire à une fonction de gestionnaire. Le champ lexical employé dans ses réponses le prouve : « endettement »,  « fiscalité » (à baisser), « dépense », « gaspillage », « frais », « pouvoir d’achat ». Il n’y a donc rien sur ce qui pourrait toucher à la solidarité dans les municipalités, ni à la culture, ni au nombre de places en crèche, au quotient familial, aux logements sociaux ou d’autres aspects qui pourraient éventuellement intéresser les catégories populaires auxquelles elle prétend s’adresser.
Un maire FN, c’est donc un comptable radin. Cette démarche correspond à l'effort de neutralisation du discours idéologique et à son basculement dans un champ strictement financier.

Bon, et puis elle prépare déjà l’excuse en cas d’échec de ses maires :

« Il n’en demeure pas moins que tant que la loi n’est pas changée eh bien il faut s’y soumettre et œuvrer dans le respect de ces lois républicaines ».

Les projets des maires FN, énoncés sur le mode du doute et de façon abstraite sont de surcroît soumis à condition. On ne pourra pas reprocher à ces maires de ne pas avoir réalisé leur beau projet puisque ce sera pour le respect de la démocratie. En revanche, on pourra imputer leur échec aux lois votées par gouvernement en place…

L'interview en question: http://www.frontnational.com/videos/marine-le-pen-sur-rtl-23/

samedi 5 avril 2014

LE GARS DE LA MARINE : LES PIEDS DANS LE TAPIS





Bon, reprenons ce blog avec un peu d’humour, autant que faire se peut, en regardant le communiqué de Louis Aliot le 31 mars… Ou comment il se prend les pieds dans le tapis…

Deux fautes d’orthographe… peut-être pas si anecdotiques ?

La première : « nous tiendrons compte de tous les avis et seront les défenseurs des citoyens ou acteurs économiques oubliés de notre ville ». On le voit, il y a un petit problème d’accord de « seront » avec « nous »…

La deuxième : «mon équipe toute entière ». On écrirait normalement « tout entière» puisque que « tout », devant un adjectif, ne s’accorde pas (sauf avec un nom féminin commençant par une consonne, ce qui n’est pas le cas ici).

On dira que les coquilles, ça arrive aux meilleurs. C’est vrai.

Mais ce qui est frappant, c’est que ces fautes soulignent une grande absente parmi les valeurs qui ont guidé la campagne de Louis Aliot : l’école.
Il y a bien sûr les « valeurs traditionnelles et républicaines, de la famille, le «strict respect de la laïcité et de l’égalité de tous les citoyens devant la Loi ». Mais l’école, non.
Et il faut croire qu’on en manque au Front National… On manque aussi peut-être de correcteurs (avis aux amateurs ?).

Lapsus syntaxique… un peu d’amertume ?

Outre ces fautes d’orthographe, Louis Aliot emploie mal les pronoms… et du coup, il dit l’inverse de ce qu’il croit dire. Voilà où les bactéries attaquent : 

« Nous avons par ailleurs progressé de près de 5000 voix entre les deux tours, seuls contre tous ! Ce qui est énorme et qui tend à prouver que nous disposons dans les seconds tours d’une réserve de voix non négligeable.
C’est donc une victoire en trompe l’œil qui ne permettra pas à la mairie en place de faire n’importe quoi ! »

Avec la « victoire en trompe-l’œil », Louis Aliot veut bien sûr parler de la victoire de la droite à Perpignan.
Or, ce n’est pas ce qu’il dit car emploie mal le présentatif « c’est », qui reprend (par anaphore) le premier élément possible situé avant (c’est le fonctionnement du pronom anaphorique).
Cherchons donc dans ce qui précède, en remontant dans le texte… on arrive à « nous avons par ailleurs progressé de près de 5000 voix ».
Donc, ce qui est une « victoire en trompe l’œil », c’est… la progression des voix du FN.

Rappelons-le à toutes fins utiles : pour le FN, ce n’est pas une victoire en trompe l’œil, ni même une victoire : c’est une défaite.

Du mal à avaler la pilule ?



Le communiqué de Louis Aliot:
http://www.frontnational.com/2014/03/communique-de-la-liste-perpignan-ensemble-avec-louis-aliot/