Interrogée par Jean-Michel Apathie sur RTL
le 4 avril dernier, Marine Le Pen a commenté les résultats du FN aux
municipales… sous le signe de l’hésitation. Bien sûr, elle a utilisé son ton toujours
aussi affirmé et assuré, mais les mots ne coïncident pas avec l’attitude…
Pour évoquer les actions que vont mener ses
maires, elle a ainsi systématiquement émis des doutes en employant ce qui se
nomme des modalisateurs : « Je pense que » (3 fois), « Je
crois que » (4 fois).
Un modalisateur (selon Benveniste notamment) c’est en
gros un outil qui permet à celui qui parle d’émettre une distance, un doute par
rapport à son propre énoncé. Or, à chaque fois que Marine Le Pen a évoqué
l’action à venir des maires FN, elle l’a fait avec cette marque de doute, dont
la plus marquante : « Je pense qu’ils vont faire preuve
d’intelligence »… Mais visiblement, rien n’est moins sûr…
En revanche, lorsqu’elle commente l’écotaxe,
sur laquelle elle n’a aucun pouvoir, eh bien là, elle est catégorique, et
n’utilise plus de modalisateurs : « Il
faut supprimer l’écotaxe » (2 fois). C’est donc quand elle ne peut pas
agir, que Marine Le Pen est le plus affirmée.
Mais l’action des maires FN est aussi
évoquée de façon abstraite, à travers les infinitifs « arrêter »
(répété 4 fois), « répondre » et « comprendre » (2 fois).
Or, comme l’indique Gustave Guillaume dans sa chronogénèse, l’infinitif
correspond à l’action dans son sens abstrait, celle qui n’est pas réalisée,
loin du concret.
Et puis, il est à noter que cette action, en
plus d’être abstraite, est négative. En effet, que va faire le FN dans ses
municipalités ? Il va « arrêter »… N’est-ce pas l’inverse de
l’action ?
Jean-Michel Apathie a souligné aussi le fait
que Marine Le Pen semble réduire le rôle du maire à une fonction de
gestionnaire. Le champ lexical employé dans ses réponses le prouve :
« endettement », « fiscalité » (à baisser),
« dépense », « gaspillage », « frais »,
« pouvoir d’achat ». Il n’y a donc rien sur ce qui pourrait toucher à
la solidarité dans les municipalités, ni à la culture, ni au nombre de places
en crèche, au quotient familial, aux logements sociaux ou d’autres aspects qui
pourraient éventuellement intéresser les catégories populaires auxquelles elle
prétend s’adresser.
Un maire FN, c’est donc un comptable radin. Cette démarche correspond à l'effort de neutralisation du discours idéologique et à son basculement dans un champ strictement financier.
Bon, et puis elle prépare déjà l’excuse en
cas d’échec de ses maires :
« Il n’en demeure pas moins que tant
que la loi n’est pas changée eh bien il faut s’y soumettre et œuvrer dans le
respect de ces lois républicaines ».
Les projets des maires FN, énoncés sur le
mode du doute et de façon abstraite sont de surcroît soumis à condition. On ne
pourra pas reprocher à ces maires de ne pas avoir réalisé leur beau projet puisque
ce sera pour le respect de la démocratie. En revanche, on pourra imputer leur
échec aux lois votées par gouvernement en place…
L'interview en question: http://www.frontnational.com/videos/marine-le-pen-sur-rtl-23/
L'interview en question: http://www.frontnational.com/videos/marine-le-pen-sur-rtl-23/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire