samedi 30 août 2014

Marine Le Pen commente la démission du gouvernement de Manuel Valls


Marine Le Pen a commenté le 25 août dernier la démission du gouvernement de Manuel Valls. Dans son communiqué, sous couvert de commenter une actualité politique ponctuelle, elle livre une charge à toute une classe politique au-dessus de laquelle elle se positionne avec distance.


1)    Un discours à la troisième personne… ou presque.

Marine Le Pen, dans son communiqué du 25 août 2014 ne s’inscrit pas dans un champ polémique mais dans ce qui se veut comme une analyse apparemment froide et distante de la situation politique actuelle.

En effet, si l’on regarde qui fait l’action des verbes, il ne s’agit quasiment jamais de personnes nommément désignées. Il y a ainsi « le gouvernement » ou « le prochain gouvernement » et même « le pouvoir » qui évite de façon évidente de nommer qui que ce soit. Il s’agit en outre de termes singuliers à valeur plurielle, ce qui crée un groupe indistinct et anonyme. Marine Le Pen passe même par une tournure impersonnelle lorsqu’elle préconise qu’« il est plus que jamais nécessaire de redonner la parole aux Français». La tournure impersonnelle n’implique ni ne vise personne. L’expression est neutre.

Elle ne mentionne qu’une seule fois Manuel Valls, mais dans un complément du nom, à travers « La démission du gouvernement Valls ». Il n’est alors pas sujet du verbe et le noyau du groupe est « la démission ». C’est une façon de le remettre à sa place : Manuel Valls n’est pas le sujet. Elle commente seulement son action, « la démission » de son gouvernement.
Mais elle l’attaque aussi en lui enlevant tout titre (« Monsieur Valls » par exemple ou tout simplement « Manuel Valls »). Il en va de même plus loin avec « l’incapacité du Premier ministre et du président de la République à obtenir le soutien de leur propre camp ».  Il est tout à fait notable qu’elle évite de nommer ici Manuel Valls et François Hollande qui sont à nouveau en position de complément du nom, c’est à dire des groupes accessoires, que l’on peut enlever. Ce qu’elle commente, c’est leur « incapacité » mais pas eux directement. Il y a clairement une volonté de mise à distance. On pourrait aussi relever la majuscule à « Premier » ministre et la minuscule à « président »… Comme marque de mépris peut-être.

Marine Le Pen évite donc soigneusement la polémique. Son discours se veut neutre, dans l’analyse plutôt que dans l’attaque. Elle livre bien une charge contre Manuel Valls et François Hollande, mais de manière détournée. Elle se met ainsi au-dessus de la mêlée à travers une expression neutre.

En revanche, elle s’implique elle-même deux fois, de façon manifeste, lorsqu’elle évoque « nos compatriotes » et « notre pays ». Ici, grâce aux possessifs « nos » et « notre », elle se met clairement du côté des français, contre le pouvoir évoqué à la troisième personne.


2) Des généralisations pour attaquer toute la classe politique.

En outre, si le communiqué semble concerner la démission du « gouvernement Valls », Marine Le Pen n’utilise ce sujet que pour mieux attaquer la classe politique dans son intégralité.

Lorsqu’elle déclare que « Le prochain gouvernement, dirigé par les mêmes hommes, restera à l’image des précédents », elle met entre virgules (en apposition) « dirigé par les mêmes hommes ». L’effet produit est de mettre en exergue la similitude entre ce qui normalement appellerait un changement, c’est-à-dire le passage du « précédent » au « prochain » : on peut passer d’un politique à un autre, ça ne changera rien selon elle.

Il en va de même lorsqu’elle assène que « De l’UMP au PS les gouvernements se succèdent mais les politiques ne changent pas ». La préposition « de », dans « De l’UMP au PS », présente sa valeur étymologique d’origine : elle exprime le point de départ et « au » le point d’arrivée. Ces prépositions créent un spectre spatial large, pour généraliser le discours à toute la politique : on part de l’un pour arriver à l’autre, en passant par tous les autres. Et le résultat est le même. C’est l’amalgame habituel du Front National. Il ne s’agit pas seulement de François Hollande ou de Manuel Valls, mais de toute la classe politique, tout parti confondu.
Dans la même idée, la conjonction « mais » souligne une opposition entre « se succéder » et « ne pas changer ». Elle induit bien sûr que tout personnage politique, à part elle, se vaut. D’ailleurs, la valeur du présent ici est de désigner une réalité large. Ce n’est pas un présent d’énonciation qui coïnciderait exclusivement à la démission du « gouvernement Valls », qu’elle fait semblant d’évoquer. Ce présent décrit quelque chose qui existe depuis plus longtemps et qui n’est pas limité dans le temps (c’est la valeur aspectuelle non sécante du présent). C’est donc une situation politique qui dure depuis longtemps selon elle, et qui ne risque pas de changer.

3) Un discours qui accable.

Une fois s’être exclue de la classe politique présentée comme compacte et résolument homogène, Marine Le Pen peut livrer sa charge.

C’est tout d’abord l’effet d’accumulation qui marque son attaque notamment lorsqu’elle évoque la « démonstration de la désunion de la majorité socialiste et de l’incapacité du Premier ministre et du président de la République à obtenir le soutien de leur propre camp ». Ici, elle imbrique les compléments du nom « démonstration », ce qui crée une succession des « de la » et « du ». Cela crée un effet de masse et multiplie les reproches à l’égard du gouvernement.

L’effet d’accumulation est le même lorsqu’elle juge que les changements ministériels constituent « un spectacle affligeant qui accroît légitimement l’inquiétude des Français quant à l’avenir de la France ». Ici, le « spectacle » est doublement qualifié, non seulement par un terme profondément péjoratif, « affligeant », mais aussi par une proposition relative (ce qui commence par « qui »), laquelle met en avant un terme négatif, l’ « inquiétude » des français. Cette double qualification accentue ainsi la charge portée contre le gouvernement en créant un effet d’accumulation, négative de surcroît.

Il est par ailleurs intéressant de noter qu’elle stigmatise la « désunion » et l’ « incapacité » qui sont deux noms à préfixes privatifs (dé- et in-) et qui nient les qualités d’ « union » et de « capacité ». Elle souligne donc un double manque. Il en va de même plus tard avec le « déclassement » provoqué selon elle par les politiques gouvernementales. À nouveau, elle emploie un préfixe privatif pour décrire la politique actuelle et souligne un manque.

Elle utilise encore des termes négatifs lorsqu’elle annonce que « D’échecs en échecs, les mêmes hommes issus d’un même système, profondément francosceptique, mènent notre pays sur les voies du déclassement. ». On retrouve la préposition « de », dans « D’échecs en échecs », avec le sens de l’origine : on part de l’un pour arriver à l’autre à travers un parcours qui va… du négatif au négatif. L’échec apparaît ainsi comme seule alternative. Marine Le Pen recourt en outre à un néologisme, le terme «francosceptique », calqué sur l’adjectif « eurosceptique » qu’on accole généralement au Front National pour insinuer de manière indirecte la question nationale. 

Son attaque se fait par ailleurs à travers « la valse des ministres » qui est une métaphore burlesque. Il s’agit de ridiculiser le jeu politique actuel dans lequel précisément, avec son discours à la 3ème personne, elle ne s’inclut pas.


En somme, à travers ce communiqué, Marine Le Pen se veut dans l’analyse beaucoup plus que dans la polémique. Elle cherche à se mettre au-dessus de la mêlée et livre son attaque à toute la classe politique dont elle se met à part. Elle se positionne ainsi du côté des français, en marge d’ « hommes politiques » qui sont des « techniciens ».

SI on veut lire le communiqué:
http://www.frontnational.com/2014/08/reaction-de-marine-le-pen-a-la-vraie-fausse-demission-du-gouvernement-valls/

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