mercredi 11 janvier 2012

Volet « Immigration » du programme du frontiste: Des hommes et des chiffres (en milliards d’euros)


Ce qui est tout à fait remarquable dans le chapitre sur l’immigration du FN, c’est l’importance des chiffres.

 Quels chiffres ? C’est surtout cette question qui est intéressante. Au FN, on assimile systématiquement et exclusivement le chiffre qui décrit le nombre d’immigrants au coût qu’ils sont censés représenter. Et inversement, pour les migrants qui retournent dans leur pays d’origine, on associe un « gain ».
Tout d’abord, dans les constats qu’il fait, le FN produit une liste de chiffres choc : « 6 millions: c’est le nombre des nouveaux résidents installés en France depuis 20 ans ».
Le présentatif « c’est le », insiste sur la quantité et pose le chiffre comme quelque chose d’admis (même s’il conteste le chiffre de l’INSEE) : le chiffre existe, voilà ce que je vais vous en dire. Ce présentatif produit un effet d’attente accentué par les deux points. On part d’une quantité en millions, c’est-à-dire énorme, et à cette énormité, on associe une quantité d’immigrants. L’effet produit, c’est la peur…
Et dans la même liste, comme quand on va au super marché et qu’on a noté qu’on doit acheter des carottes et du papier toilette, on passe d’une liste de migrants à une liste de coûts : celui du « déficit annuel dû à l’immigration » (rapport Milloz), celui du « coût annuel de l’Aide médicale d’État (AME) réservée aux étrangers en situation illégale ».

Donc, on met dans une même liste, l’immigration et l’argent dépensé.  Premièrement, cela induit que l’immigration fait perdre de l’argent à la France. Mais on l’induit de façon purement visuelle et non logique car la liste n’est pas logique, non, elle est spatiale : on met les éléments les uns en dessous des autres grâce à des tirets. Et puis le « déficit annuel dû à l’immigration », ça correspond à quoi ? Aux sous traitants qui, même dans le service public, font faire les basses besognes aux immigrés ? Aux impôts que les immigrés paient en travaillant en France et en cotisant pour une répartition sociale dont on veut les exclure?
Deuxièmement, on assimile l’immigration aux « étrangers en situation illégale », ce qui est comme la margarine pour le beurre: ça ressemble à du beurre, mais ce n’est pas du beurre, ou le beurre du pauvre et des gens qui soignent leur cholestérol. En gros, faut-il le dire ? Ce n’est pas parce qu’on est immigré qu’on est situation illégale.
La liste fonctionne à contre courant de la logique, c’est-à-dire bêêêêêtement…

Bon, outre les coûts de l’immigration, il y a pour le FN, cela s’entend, les « gains » permis par la politique de retours… et oui, parce que renvoyer les immigrés, ça rapporte, et gros.
Comment ça marche ? C’est simple.
La première mesure, c’est « Mettre en œuvre une politique de dissuasion ». On n’entre pas dans le détail ici, on passe le paragraphe sur les « pompes aspirantes » où le FN décrit les immigrés qui profitent des prestations sociales, et on arrive tout de suite à quelque chose qui apparaît en rouge : « Gain estimé : 18,5 milliards d’euros ». On ne fait pas de phrase ici. Il n’y a pas de verbe conjugué. Et puis il n’y a pas non plus de lien logique, lequel est remplacé par les deux points : inutile d’expliquer selon le FN, le lien entre la politique de dissuasion et le gain qu’elle permet semble une évidence. D’ailleurs les deux points équivalent ici au signe mathématique « égal ».
Par ailleurs, outre le fait qu’on ne sait pas à quoi correspond ce chiffre, faut-il préciser qu’il est choquant (car inhumain) de réduire la rudesse de la mesure à une addition (son résultat en l’occurrence) ? Toute la réalité des fermetures des frontières et du protectionnisme est masquée sous un rapport purement mathématique…
 C’est pareil pour la « politique de retour » dont le « gain estimé » est de « 9 à 11 milliard d’euros », en gros à la louche, comme ça. Que met-on concrètement derrière la « politique de retour » ? Peu importe ! Ça rapporte !
En gros, on évacue l’aspect humain de telles mesures, et surtout leur brutalité, pour s’en tenir à l’aspect comptable, qui de surcroît envisage un gain : tout est bon pour le profit. L’humain est remplacé par une addition ou une soustraction. Go ! go ! go !

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