vendredi 6 janvier 2012

Des oppositions pour créer le clivage (volet "immigration" du programme FN)


Belles paroles pour discours haineux : être raciste, ça se dit comme ça…

… Par des oppositions
Faire peur par des images fortes, ou bien créer les antagonismes par des oppositions, on pratique beaucoup au FN.
 On le voit dans le travail des étrangers : « Cette immigration est poussée par le grand patronat pour qui elle est une délocalisation à domicile qui lui permet de compresser les coûts salariaux de l’humain et des chiffres ».
« La délocalisation à domicile », si ce n’est de l’oxymore (la cohabitation de deux idées incompatibles sur le plan sémantique), c’est du moins une belle opposition. A quoi sert-elle ? À souligner qu’il se passe chez nous, sur notre territoire des choses, qui nous révolte ailleurs : le vol du travail des français par la main d’œuvre à bas prix et sans lois sociales.
C’est du « les étrangers qui nous enlèvent le pain de la bouche » en moins populiste. Un vieux poncif raciste mais vu sous un angle quasi scientifique puisqu’on envisage, sur le plan mathématique, la façon de « compresser les coûts salariaux ». Une petite opposition, un brin de mathématique et abracadabra, on n’est pas raciste : on se fie aux données comptables.
On retrouve le même principe plus loin dans le laïus sur l’immigration : « Aujourd’hui, les Français s’endettent pour financer des prestations sociales visant à répondre à la « misère du monde ».
Comment opère la magie du racisme propre dans cette phrase ? On a un verbe : « s’endettent ». Quel en est le sujet ? « Les Français » (avec une majuscule, parce que être Français, c’est presque un nom propre). Mais, et c’est là que les bactéries attaquent, où est le complément ? Le complément ne concerne pas du tout les « Français » puisqu’il s’agit de « la misère du monde » (et là, il n’y a pas de majuscule à « monde »). Il y a donc une opposition entre d’une part  « les Français », qui sont en nombre défini, si ce n’est fini, et la quantité immense et en augmentation perpétuelle du « monde ». D’où la panique…
Et puis, bien sûr, « la misère du monde » est mise entre guillemets parce que le Front National ne peut pas tout à fait assumer une expression aussi éculée et galvaudée. Il y en aurait eu d’autres à employer, moins quantitativement visuelle comme « la détresse des autres » ou bien « la solidarité planétaire » (mais là c’était marqué, accordons-le). Non, ce qui est utilisé, c’est « misère du monde ». Pourquoi ? Parce que c’est une expression qui galvaude cette misère (et partant, la dénigre). Elle est tellement répandue et profonde que d’une part on n’y peut rien, et d’autre part, chez les autres elle est acceptable tant qu’on ne vient pas nous la mettre sous le nez : « chacun sa merde » disons-le franchement.
C’est vrai que la « misère du monde » c’est vaste… Est-ce qu’on va devoir intervenir pour empêcher les afghanes d’épouser ceux qui les violent ? Pour nourrir la corne de l’Est africain ? Pour accueillir les exilés politiques des printemps arabes ? Faut pas déconner ! On est français nous, monsieur !
Et ben justement, tiens, pourquoi pas…

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